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Sujet: L'Ile de beauté : la Corse Mer 4 Oct 2023 - 9:05
23 août 1553- Sampiero offre la Corse à la France
Sampiero de Bastelica est un condottiere corse qui a servi différents souverains italiens avant de se mettre au service des rois de France. Pour le compte de ces derniers, il débarque le 23 août 1553 sur son île natale, alors génoise. Il s'en empare et la livre à la France. Mais celle-ci la restituera à Gênes six ans plus tard, à la signature du traité du Cateau-Cambrésis.
S'étant illustré au combat sous le surnom de Sampiero Corso, ce capitaine a aussi alimenté les commérages à propos du sort réservé à sa jeune femme Vannina d'Ornano. Il l'étrangla de ses propres mains après qu'elle eut tenté de rejoindre Gênes avec la fortune du ménage. Sous le nom de D'Ornano, leur descendance commune a donné de nombreux chefs de guerre et maréchaux à la France.
Un Corse chez les Médicis
Sampiero serait né le 23 mai 1498 à Bastelica, en Corse du sud. Engagé très jeune dans le métier des armes, il se rend en Italie, où les cités n'en finissent pas de se faire la guerre.
Sampiero Corso, héros corse (1498-1567)
À Florence, il se met au service de Jean des Bandes Noires, un condottiere de la famille des Médicis, et ne tarde pas à faire reconnaître sa bravoure et ses talents. Au service des Médicis et du pape Léon X, fils de Laurent le Magnifique, il devient lui-même un chef de guerre redouté et riche.
À la mort de Léon X, en mars 1522, il passe au service des Français, engagés dans les guerres d'Italie. Pas de chance, c'est pour essuyer une défaite à La Bicoque face aux Impériaux de Charles Quint, le 29 avril 1522. Au moins a-t-il l'occasion de combattre au coude à coude avec l'un des plus réputés chevaliers de son temps, Bayard.
Deux ans plus tard, les Médicis ayant repris le Saint-Siège en la personne de Clément VII, il retourne au service du pape.
Cela ne lui fait pas de problème aussi longtemps que Clément VII reste l'allié de la France et l'ennemi de l'empereur. Mais quant en 1529, le pape sollicite l'aide de Charles Quint pour reprendre la ville de Florence, Sampiero Corso s'éloigne de lui.
Il prend langue avec l'évêque Jean du Bellay, ambassadeur de France auprès du Saint-Siège, et en 1535, passe définitivement au service de François 1er, encore et toujours en guerre contre son rival Charles Quint. Sampiero poursuit désormais ses exploits en Italie sous la bannière du roi de France.
Un destin shakespearien
En 1545, le héros corse prend le temps de rentrer dans son île natale pour épouser une jeune fille d'une noble lignée, que sa famille lui a promise dès sa naissance. Vannina d'Ornano a dix-huit printemps quand son mari compte déjà 47 années de la vie la plus rude qui soit !
Le mariage ne le fait pas renoncer à l'aventure.
Le maréchal de Thermes, Paul de La Barthe de Thermes (1482–1562), François Clouet, 1554.
Les guerres d'Italie allant sur leur fin, Sampiero Corso commence à regarder du côté de son île, alors sous le joug de la République de Gênes, alliée de Charles Quint et donc hostile à la France.
Il décide de renouveler la tentative de D'Istria, un aventurier corse qui avait tenté un siècle et demi plus tôt de livrer l'île au roi d'Aragon. Henri II, qui a succédé à son père François 1er, lui accorde l'assistance de l'un de ses capitaines, le Maréchal de Thermes.
À la tête d'une petite troupe, ils débarquent en Corse le 23 août 1553. Ils s'emparent de l'île après d'âpres combats et grâce au soutien de l'influente famille d'Ornano.
Voilà la Corse française pour la première fois de son Histoire ! Mais pas pour longtemps. Pour le roi Henri II, elle n'est qu'une monnaie d'échange et elle est restituée à Gênes lors du traité du Cateau-Cambrésis de 1559.
Stèle en hommage à Sampiero Corso, près d'Eccica-Suarella
Pour Sampiero Corso, les déconvenues ne s'arrêtent pas là. Nommé gouverneur de Provence, il est envoyé par Henri II en mission auprès du dey d'Alger. Avant de quitter Marseille, il confie à son épouse la gestion de ses biens.
Mais voilà qu'à peine parti, il apprend qu'elle a vendu ses biens et pris la direction de Gênes. Il y voit une trahison et se hâte de revenir. Il intercepte son bateau à Antibes, la ramène à Marseille et la fait condamner à mort par un tribunal improvisé. Sur ses instances, l'étrangle lui-même avec un lacet.
En 1564, Sampiero tente de repartir à la conquête de l'île avec le soutien distant de Catherine de Médicis. Il va recruter vingt-cinq hommes en Turquie et débarque à nouveau dans l'île. Mais il doit affronter maintenant l'hostilité du clan d'Ornano. Il meurt dans une embuscade le 17 janvier 1567, à près de 70 ans. La république génoise maintient dès lors tant bien que mal sa domination sur la Corse.
Le sort de Vannina a peut-être inspiré à Shakespeare le drame Othello. De façon plus certaine, le héros corse a inspiré à Henri Tomasi un opéra à son nom, en 1956 à Bordeaux.
André Larané
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Sujet: Re: L'Ile de beauté : la Corse Mer 4 Oct 2023 - 10:29
Au mois de mai, je suis restée quelques jours en Corse. Mon frère possède une petite maison du côté de Borgo. Quelle île magnifique ! Avec mon mari j'étais allée à Cargèse il y a quelques années. J'en avais gardé un magnifique souvenir également
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Sujet: Re: L'Ile de beauté : la Corse Mer 4 Oct 2023 - 10:58
30 janvier 1735 - Déclaration d'indépendance des Corses
Le 30 janvier 1735, la Consulta réunie à Orezza proclame l'indépendance de la Corse. Elle se donne un hymne national et ébauche un projet de Constitution - une première dans l'Histoire moderne -.
C'est le début d'une « Guerre de quarante ans » contre l'occupation génoise, qui remonte à la bataille de La Meloria (1284). Mais sans s'en douter, les insurgés travaillent pour la France qui ambitionne de prendre pied sur l'île et d'en chasser la République de Gênes.
Une vue du port de Gênes à la fin du XVIIe siècle , par Beestraten - musée du Louvre - Paris
Le rejet de la tutelle génoise
A l'orée du « Siècle des Lumières », la République de Gênes n'est plus que l'ombre d'elle-même et les Corses ne supportent plus leur allégeance.
Une première révolte éclate le 27 décembre 1729 lorsqu'un magistrat prétend soutirer une pièce à un berger du village du Borziu sous prétexte d'impôt. Un an plus tard, la révolte paysanne est relayée par les notables. Une assemblée (consulta) désigne trois d'entre eux à la tête de l'insurrection. Il s'agit de Luigi Giafferi, Andrea Ceccaldi et l'abbé Marc-Aurèle Raffaelli.
Gênes fait appel à l'empereur allemand Charles VI de Habsbourg qui lui envoie 8000 hommes sous le commandement du baron de Wachtendonck. Grâce à ces renforts, la République soumet les notables corses et les amadoue avec de belles promesses. Mais le répit est de courte durée. Dès 1734, la guerre reprend à l'initiative du général Giacinto - ou Hyacinthe - Paoli (père de Pasquale, le futur « Père de la Patrie »).
Une expérience législative sans précédent
C'est alors que se réunissent à Orezza les délégués de toute l'île. Par une déclaration d'indépendance unilatérale, ils rejettent officiellement la souveraineté génoise. Ils se donnent aussi une Constitution.
Cette Constitution du Royaume de Corse en quinze articles introduit la souveraineté du peuple et la séparation des pouvoirs. Elle prévoit un exécutif de trois Primats et une Assemblée populaire (Consulta) formée par les élus des 90 cantons (pièvi).
Rédigée par l'avocat ajaccien Sebastianu Costa, elle n'entrera jamais vraiment en application mais elle inspirera quelques décennies plus tard les Insurgents d'Amérique et les révolutionnaires de Paris.
L'assemblée se met par ailleurs en quête d'un monarque et offre la couronne de Corse au roi d'Espagne. Mais celui-ci la refuse.
Monarque d'occasion Le 20 mars 1736, un curieux personnage débarque à Aléria d'un bateau anglais. Le baron Théodore von Neuhoff amène avec lui quantité d'armes et de bottes. Il met sa fortune au service des insurgés et reçoit d'eux, en récompense, la couronne qu'avait dédaignée le roi d'Espagne. Quelques mois plus tard, découragé par les disputes intestines et par la contre-offensive diplomatique de Gênes, le roi Théodore reprend le bateau pour le continent, en quête de soutiens diplomatiques.
Un rêve avorté
Seuls les Anglais se montrent intéressés à aider les insurgés. Ils tentent de tirer parti de l'insurrection pour prendre pied en Corse. Le Premier ministre français, le cardinal Fleury, riposte en apportant son aide aux Gênois dès 1737.
Les troupes françaises entrent en lice l'année suivante, sous le commandement du comte de Boissieux puis du maréchal de Maillebois. Battus, les insurgés reprennent les armes un peu plus tard, en 1743. Le marquis de Cursay pacifie l'île et les Français se retirent enfin dix ans plus tard.
La première Constitution de l'Histoire
En Corse, le feu couve sous la cendre.
Le jeune Pasquale Paoli prend la relève de son père Hyacinthe. Bien qu'ayant passé toute son adolescence en exil à Naples, avec son père, il s'est pris de passion pour son île natale. Il a également acquis une formation militaire et s'est pénétré des idées des Lumières.
Appelé par les insurgés à prendre la tête de l'insurrection, il crée un « Royaume de Corse » indépendant... et sans roi. Lui-même est proclamé général en chef à la Consulta generale de Corte le 18 novembre 1755. Il a 30 ans.
Corte, au centre de l'île, est désignée comme capitale du nouveau royaume, de préférence aux villes génoises de la côte, Ajaccio et Bastia.
Pascal Paoli (Morosaglia, 6 avril 1725 - Londres, 5 février 1807)
Une nouvelle Constitution est adoptée dans la foulée. Inspirée par L'Esprit des Lois de Montesquieu (1748), elle établit la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
Elle accorde aussi le droit de vote aux citoyens et citoyennes de plus de 25 ans (c'est la première fois que le droit de vote est accordé aux femmes !).
Elle peut être considérée comme la première Constitution écrite de l'Histoire qui ait reçu un début d'application, la précédente, celle de 1735, n'ayant pas eu cette chance.
Pasquale Paoli repousse les Gênois sur la côte, fait assécher les marais, fonde une ville nouvelle sur la côte, l'Ile Rousse, ouvre une Université à Corte...
Il modernise les institutions de l'île et demande même au philosophe Jean-Jacques Rousseau, qui vient de publier le Contrat social, un nouveau projet de constitution pour la Corse (1765).
Lasse de la guerre, Gênes cède « provisoirement » ses droits sur la Corse à la France par le traité de Versailles du 15 mai 1768.
Fin de partie
Statue de Pascal Paoli à Corte (photo : Fabienne Vignolle, Herodote.net)
Pasquale Paoli reprend dès lors le combat, contre les Français cette fois. Chassé de l'île après la défaite de Ponte-Novo, il se réfugie en Angleterre pendant vingt ans.
Son nouvel exil prend fin au début de la Révolution. Reçu avec les honneurs par les députés français de l'Assemblée nationale, il retrouve son île sous les acclamations et prend la présidence du nouveau département. Mais la lune de miel ne dure pas.
Son autoritarisme et l'échec d'un débarquement en Sardaigne en février 1793 (le jeune lieutenant Napoléon Bonaparte figure parmi les participants de l'expédition) lui valent d'être déchu par la Convention.
Proclamé Babbu di a patria (« Père de la Patrie »), il tente à nouveau de soulever ladite patrie pour finalement la livrer aux Anglais. Ceux-ci ne se font pas prier. Ils dépêchent le 19 janvier 1794 la flotte de l'amiral Hood et fondent un Royaume anglo-corse confié à un vice-roi, sir Gilbert Elliott. Celui-ci s'empresse de demander le rappel de Paoli. Le héros finira ses jours à Londres en 1807.
André Larané
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Sujet: Re: L'Ile de beauté : la Corse Mer 4 Oct 2023 - 18:11
9 mai 1769 - La France soumet la Corse
Le 9 mai 1769, en Corse, au terme d'une bataille de plusieurs jours, les indépendantistes sont défaits par l'armée française à Ponte-Novo (ou Pontenuovo, le pont neuf).
Le site de Ponte-Novo aujourd'hui
Fin d'une « Guerre de quarante ans »
Lasse de combattre la rébellion corse, Gênes a cédé « provisoirement » ses droits sur l'île à la France par le traité de Versailles du 15 mai 1768. Le duc de Choiseul, qui dirige le gouvernement de Louis XV, met dès lors tout en oeuvre pour liquider la rébellion et annexer l'île. Pas moins de 20 000 hommes débarquent en Corse sous le commandement du lieutenant-général Chauvelin. Mais le marquis de Chauvelin essuie un grave revers à Borgu (ou Borgo) le 9 octobre 1768.
Six mois plus tard, le comte de Vaux débarque à son tour avec 24 000 hommes.
La bataille décisive se déroule près d'un ancien pont génois qui franchit le fleuve du Golo, sur la route de Corte à Bastia.
Elle met aux prises plusieurs dizaines de milliers de combattants. Assaillis des deux côtés du fleuve, les Corses laissent sur le terrain quelques centaines de morts et plus de 6 000 blessés.
C'en est fini d'une « Guerre de quarante ans » qui a mis aux prises le peuple corse avec la République de Gênes puis le roi de France.
Le chef de l'insurrection corse, Pasquale Paoli, gagne la côte et s'embarque sur un navire à destination de Livourne, en Italie, avec 300 fidèles.
Parmi les partisans qui l'accompagnent jusqu'à la côte figure son aide de camp, un avocat d'Ajaccio du nom de Carlo - Charles - Buonaparte.
Sa jeune épouse, Laetitia (18 ans) est enceinte de sept mois. Après une fuite dans la montagne corse, elle donne le jour à un petit Napoléon...
Monument commémoratif de la bataille de Pontenovo (photo : André Larané, Herodote.net, 2014)
Soumission
Les Français établissent en Corse un Conseil supérieur... comme dans leurs colonies des Antilles. Le gouvernement de l'île est confié au comte Louis de Marbeuf. Il invite les nobles à faire enregistrer leurs quartiers de noblesse. Seules 86 familles se résolvent à cette démarche. Parmi elles figure la famille Buonaparte, issue de colons génois installés dans le port d'Ajaccio.
Cette circonstance - et plus encore les relations « particulières » qu'entretient la belle Laetitia (ou Letizia) Buonaparte avec le gouverneur de Marbeuf - vont permettre au jeune Napoléon d'obtenir plus tard une bourse pour entrer dans une école militaire réservée à la noblesse.
Le Ponte Novo (ou Pontenuovo) sur le Golo (Corse), photo : André Larané, Herodote.net, 2014
Sédition
Au début de la Révolution française, Pasquale Paoli revient en Corse sous les acclamations pour gouverner celle-ci au nom de l'Assemblée Législative avec le titre de lieutenant-général et présider le nouveau département.
Mais bientôt déçu par les députés jacobins de la Convention qui tentent de l'arrêter en 1793, il soulève à nouveau l'île contre les Français et livre la Corse aux Anglais.
Il appartiendra au général Napoléon Bonaparte d'organiser la reconquête de l'île à partir de 1796. Sous le Premier Empire, la pacification sera confiée au général Morand. Elle prendra un tour extrêmement brutal, ternissant à jamais l'image que gardent les Corses de Napoléon, leur plus illustre compatriote.
Il faudra attendre 1975 et le drame d'Aléria pour que soit à nouveau ensanglanté le lien qui relie l'île de Beauté à la France.
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Sujet: Re: L'Ile de beauté : la Corse Mer 4 Oct 2023 - 18:37